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Comprendre la dynamique des quarks dans le noyau atomique

Recherche Article publié le 19 février 2020 , mis à jour le 19 février 2020

Comment se comporte la matière à l’échelle de l’infiniment petit ? Comment fonctionne l’interaction forte qui maintient les constituants ultimes de la matière, les quarks et gluons, confinés dans le proton et le neutron ? Comment leurs propriétés sont-elles modifiées dans les noyaux atomiques plus lourds ? Telles sont les questions auxquelles Raphaël Dupré, chercheur au Laboratoire de physique des deux infinis Irène Joliot-Curie (IJC Lab - Université Paris-Saclay, CNRS), tente de répondre via son projet PartonicNucleus, lauréat d’une bourse ERC.

Bien qu’il soit commun de décrire le noyau atomique comme un ensemble de protons et de neutrons liés entre eux, des expériences sur des éléments lourds (comme le fer) soumis à très haute énergie démontrent que le noyau ne se résume pas simplement à cela. Les modèles développés dans le passé ne sont plus en accord avec les résultats expérimentaux, et de nouveaux modèles apparaissent au gré des années et des avancées technologiques, sans qu’aucun ne se démarque clairement.

C’est dans ce cadre que s’inscrivent les travaux de Raphaël Dupré, du Laboratoire de physique de deux infinis Irène Joliot-Curie (IJC Lab - Université Paris-Saclay, CNRS). Il étudie la théorie de la chromodynamique quantique. Cette théorie décrit l’interaction forte, une des quatre interactions fondamentales, avec l’électromagnétisme, l’interaction faible et la gravitation. L’interaction forte assure la cohésion des particules comme les quarks, les antiquarks et les gluons, qui forment les hadrons.

De la nécessité de clarifier des résultats préliminaires

Dès 2009, Raphaël Dupré réalise des expériences pour valider certains modèles décrivant les quarks dans les noyaux et obtient des résultats satisfaisants, mais incomplets : « nous nous sommes heurtés à des problèmes d’intensité et de précision du détecteur. Comme tous les événements créés dans l’expérience n’étaient pas détectés, l’information obtenue était incomplète », confie Raphaël Dupré. En 2018, il reçoit un financement de l’Union Européenne (ERC Starting grant) pour son projet de recherche PartonicNucleus destiné à approfondir les résultats préliminaires de 2009 : « Avec ce financement, l’objectif est de préciser nos résultats et d’étendre nos connaissances sur les atomes de faible masse (deutérium et hélium), et sur la théorie de la chromodynamique quantique ».

Pour cela, son équipe travaille en partenariat avec le laboratoire national d’Argonne, aux États-Unis, sur la conception et la création d’un nouvel instrument de mesure. Ce dernier, nommé ALERT (A Low Energy Recoil Tracker), repose sur le principe d’une chambre proportionnelle multifils - aussi appelée chambre à fils -, qui a valu à Georges Charpak le prix Nobel en 1992. Cette chambre détecte des particules chargées et en délivre quelques caractéristiques (vitesse, direction et énergie). L’innovation vient ici du nombre de fils utilisés et de leur densité : 3 000 fils séparés de 2 mm sont tendus à l’intérieur du détecteur de 7 cm de diamètre.

Un nouveau détecteur pour préciser le comportement des atomes

Parallèlement, la modélisation du détecteur et des expériences se met en place. Leur but est de pointer les petites imperfections du détecteur pour ensuite les corriger et confronter les résultats avec la théorie. Une fois construit et calibré, ce nouveau détecteur sera envoyé au Jefferson Lab, un laboratoire américain pourvu d’un accélérateur d’électrons capable de délivrer un faisceau à haute énergie (jusqu’à 12 GeV) et haute intensité, de l’épaisseur d’un cheveu, avec une efficacité proche de 100 %.

Une fois le détecteur installé sur l’accélérateur, les campagnes de mesures dureront quatre mois. « Les informations récoltées nécessiteront ensuite un temps d’interprétation de deux à trois ans », souligne Raphaël Dupré. À terme, ces expériences apporteront des informations sur le comportement des noyaux atomiques légers et aideront à comprendre les forces fondamentales mises en jeu à l’échelle de l’infiniment petit.

 


Raphaël Dupré

Raphaël Dupré est titulaire d’un doctorat en physique nucléaire réalisé au laboratoire national d’Argonne (Etats-Unis) et à l’université de Lyon. Après un post-doctorat d’un an au CEA de Saclay, il rejoint l’Institut de physique nucléaire d’Orsay (IPNO) en 2012 en tant que chargé de recherche au CNRS, où il travaille sur des sujets de physique hadronique et de recherche de matière noire.