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Sandra Charreire Petit : modéliser les processus d’apprentissage

Portrait de chercheur ou chercheuse Article publié le 16 septembre 2021 , mis à jour le 23 septembre 2021

Sandra Charreire Petit est professeure des universités en management stratégique, directrice du laboratoire Réseaux, Innovation, Territoires, Mondialisation (RITM) de l’Université Paris-Saclay et vice-doyenne de la Faculté Jean Monnet (Droit, Économie, Gestion) en charge de la recherche et des Graduate Schools. Spécialiste des processus d’apprentissage, elle s’intéresse au déploiement des dispositifs de lancement d’alerte et de e-santé.

Sandra Charreire Petit est, comme elle aime à le préciser, « un pur produit de l’Université ». Après des études d’économie à l’Université Paris-Nanterre et un DEA à l’Université Paris-Dauphine, elle soutient en 1995 une thèse consacrée à la modélisation des processus d’apprentissage organisationnels au sein de France Télécom. Elle occupe ensuite un poste de maîtresse de conférences à l’Université Paris-Est Créteil avant de devenir professeure agrégée des universités, par concours, en 2003. S’orientant très tôt vers le pilotage de projets de recherche, elle dirige de 2004 à 2009 le laboratoire Pilotage économique et social des organisations (PESOR) de l’Université Paris-Sud puis prend la direction, au sein de la Faculté Jean Monnet, d’une école doctorale qui, suite à la création de la nouvelle université, deviendra l’école doctorale Sciences humaines et sociales (SHS) de l’Université Paris-Saclay. Depuis 2018, elle est responsable du laboratoire Réseaux, Innovation, Territoires, Mondialisation (RITM) de l’Université Paris-Saclay, né de la fusion de son ancien laboratoire et du laboratoire Analyse des dynamiques industrielles et sociales (ADIS). « Je me réjouis d’avoir pu contribuer à la construction de ce pôle commun d’économie et de gestion au sein duquel nous pouvons quotidiennement croiser nos expertises », explique Sandra Charreire Petit.

 

Les processus d’apprentissage comme fil rouge

Côté recherche, Sandra Charreire Petit se passionne depuis le début de sa carrière pour les processus d’apprentissage. « Plus précisément, j’essaie de comprendre comment des collectifs de travail, organisations ou institutions, apprennent en déployant des dispositifs de gestion », explique-t-elle. Dès 2006, elle consacre ses premiers travaux aux outils de responsabilité sociétale des entreprises (RSE) qu’elle regarde avec une perspective critique. Elle s’est notamment attelée à l’élaboration de dispositifs de repérage et de diagnostic permettant de distinguer les stratégies opportunistes mises en place par certaines organisations et des dispositifs développés conformément à l’esprit de la norme RSE. « Ce qui m’intéresse dans ces dispositifs innovants, c’est qu’ils posent des questions managériales qu’il me semble important d’appréhender, non pas dans un second temps mais en parallèle de leur déploiement », indique Sandra Charreire Petit. Un travail de recherche synergique avec ses enseignements comme en témoigne le séminaire sur le management stratégique de la RSE qu’elle a conçu dans le cadre du master Stratégie et management à l’international de l’Université Paris-Saclay.

 

Comprendre l’alerte éthique

C’est ensuite aux dispositifs d’alerte et aux conséquences de leur utilisation que Sandra Charreire Petit décide de se consacrer aux tournants des années 2010. À l’origine de ce nouveau champ de recherche : le déploiement en France de la pratique de whistleblowing (dénonciation) née aux États-Unis dans le cadre de la loi Sarbanes-Oxley de 2002, dont l’un des volets prévoit qu’elle s’applique à toutes les entreprises cotées aux États-Unis, quand bien même elles ne seraient pas américaines. « On s’est donc retrouvé du jour au lendemain avec des entreprises françaises contraintes, bien qu’absolument réticentes, de mettre en place un dispositif de gestion du lancement d’alerte, tout en espérant que personne ne s’en saisisse jamais. Un paradoxe qui est une première dans l’histoire du management et qui méritait qu’on s’y intéresse », explique Sandra Charreire Petit. Comment une loi migre-t-elle dans un contexte culturel différent de son contexte d’origine ? Y a-t-il des profils types de lanceur d’alerte ? Existe-t-il des configurations pour encadrer l’alerte ? Comment protéger le lanceur d’alerte des représailles ? Telles sont quelques-unes des problématiques mises à l’agenda des travaux de recherche dirigés par Sandra Charreire Petit. Loin d’avoir épuisé le sujet, la chercheuse n’entend pas en rester là. « J’envisage de me lancer très prochainement, avec des collègues britanniques, dans une approche historique de l’alerte comparée entre la France et le Royaume-Uni pour explorer la piste des différences culturelles. »

 

Penser les dispositifs de télémédecine

Les processus d’apprentissage, Sandra Charreire Petit les analyse également depuis 2015 dans le cadre des dispositifs de télémédecine dont le déploiement s’est fortement accéléré avec la crise sanitaire liée à la Covid-19. « Pour la première fois dans l’histoire de la médecine, la consultation médicale est sur le point de pouvoir se passer du colloque singulier en face à face. De quoi bouleverser non seulement la pratique professionnelle mais aussi les rapports et les représentations des patients et des soignants », explique Sandra Charreire Petit. Dans ce panorama passionnant, la chercheuse s’attache à regarder comment les médecins vont apprendre à utiliser ces dispositifs et à les adapter ou à les détourner. « Nous interrogeons aussi la question de la proximité qui nous semble être un cadre intéressant à associer à l’apprentissage dans la mesure où les dispositifs de e-santé sont supposés effacer la distance. Nous observons notamment des patients appelés à devenir acteurs de leur propre santé, ainsi que d’autres parties-prenantes du système de soin que, bien souvent, le système actuel ne considère pas », ajoute la chercheuse. Autant de réflexions dont Sandra Charreire Petit espère qu’elles feront avancer la recherche, bien sûr, mais aussi, et peut-être surtout, « qu’elles éclaireront le décideur public appelé à élaborer le système de santé globale de demain ».

 

Promouvoir les « sciences souples »

Que ce soit en travaillant avec des économistes au sein de son laboratoire, avec des juristes sur la question de l’alerte ou avec des médecins sur celle de la e-santé, Sandra Charreire Petit a toujours eu à cœur de privilégier le dialogue entre les disciplines. « J’ai toujours été à l’aise dans les lieux pluridisciplinaires. » Rien d’étonnant donc à ce qu’en tant que membre du bureau de la Maison des sciences de l’homme MSH Paris-Saclay et animatrice de l’axe santé, de 2016 à 2020, elle ait œuvré à développer l’interdisciplinaire dans le périmètre Paris-Saclay. Elle qui aime à qualifier sa discipline de « souple » et non pas de « molle » considère par ailleurs qu’il est urgent de promouvoir les SHS. « Dans un monde où nombre de questions sociétales ne peuvent plus être appréhendées à travers le spectre d’une seule discipline, sciences dures et SHS doivent apprendre à travailler ensemble. Mais attention, pas en inféodant les secondes aux premières, comme on le fait trop souvent », alerte Sandra Charreire Petit. Comment donc ? « En travaillant d’égal à égal, ce qui suppose peut-être de rééquilibrer le soutien apporté aux uns et aux autres par le fléchage de plus de contrats doctoraux et de post-docs vers les SHS. Car, il ne faudrait pas l’oublier : nous aussi, nous avons besoin de ressources pour porter nos propres programmes et faire de la bonne science ! », conclut la chercheuse.

 

Sandra Charreire Petit