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Aurélie Albertini : Défier et détourner les virus

Portrait de chercheur ou chercheuse Article publié le 14 mai 2020 , mis à jour le 22 septembre 2020

Aurélie Albertini est chargée de recherche au sein du département de virologie de l'Institut de biologie intégrative de la cellule (I2BC - UMR Université Paris-Saclay, CEA, CNRS). Elle étudie l’entrée des Rhabdovirus, dans l’équipe « Rhabdovirus » dirigée par Yves Gaudin. Des recherches fondamentales qui résonnent avec l’actualité et se prolongent en de possibles applications dans le domaine de la cancérologie et de la thérapie génique.

Le virus de la stomatite vésiculaire (VSV) appartient à la famille des Rhabdovirus qui comprend des pathogènes dangereux pour l’Homme, tels que le virus de la rage. Le laboratoire dans lequel travaille Aurélie Albertini l’utilise comme modèle pour étudier des processus fondamentaux de la virologie « car c’est un pathogène de classe 2, peu dangereux pour l’Homme et pouvant être produit en grande quantité avec différents types cellulaires ».

Trouver la clef

Aurélie Albertini étudie le moment où le virus pénètre dans la cellule. « J’observe le fonctionnement des glycoprotéines de fusion virales qui se trouvent à la surface des virus et qui permettent la fusion membranaire : nous sommes en présence de deux compartiments délimités par une membrane, l’une entoure le virus et l’autre la cellule à infecter. Il faut que ces deux compartiments fusionnent et mettent en commun leurs membranes pour que le virus puisse infecter la cellule » explique la chercheuse. La glycoprotéine joue le rôle « d’une clef » en entrant en contact avec un récepteur (« serrure ») situé à la surface de la cellule. Ce contact induit l’internalisation de la particule virale dans la cellule. Puis, lorsque le virus se trouve dans un premier « compartiment » qui s’appelle l’endosome, le pH du milieu diminue et la protéine change alors de conformation, et les deux membranes fusionnent.

Des retombées en cancérologie

Si la recherche sur le VSV est un sujet fondamental et « inépuisable », elle peut aussi aboutir à des applications en santé. Dès 2013, Aurélie Albertini parvient à identifier les résidus clés, présents sur la glycoprotéine du VSV et interagissant avec son récepteur cellulaire. Ce virus, qui aime particulièrement se multiplier dans les cellules cancéreuses, est un outil prometteur en oncothérapie. « Le problème, c’est que le VSV infecte aussi les cellules saines », remarque-t-elle. Alors, grâce à l’identification de ces résidus, elle espère avec son équipe « fabriquer des virus qui ne pénètrent plus dans les cellules saines mais uniquement dans celles à éliminer ». Elle vient de breveter cette technologie et d’obtenir des financements pour pousser plus loin ses recherches, susceptibles de générer des retombées intéressantes en cancérologie. « Nous sommes actuellement au stade de la preuve de concept afin de développer des glycoprotéines de VSV qui cibleraient spécifiquement des cellules de cancer du sein, par exemple », poursuit Aurélie Albertini, dont le projet est actuellement financé par la Fondation ARC pour la recherche sur le cancer et est également intégré au programme de prématuration du CNRS.

« Notre recherche couvre un large champ allant du cellulaire au moléculaire - virologie, biologie cellulaire et structurale - et repose sur une technologie de haut niveau, expose la chercheuse. Nous savons aussi bien fabriquer des virus que des protéines isolées. Nous réalisons des études fonctionnelles et des analyses structurales en utilisant la microscopie électronique, ainsi que de la cristallographie aux rayons X. Nous collaborons d’ailleurs très régulièrement avec le synchrotron pour ces aspects ». Avec son équipe, elle vient justement de publier un article dans la revue Plos Pathogens sur la glycoprotéine du virus Mokola, un pathogène proche du virus de la rage.

Le virus des virus

Aurélie bascule dans le bain de la virologie lorsqu’elle effectue son stage de Master 2 auprès de Rob Ruigrok, qui devient son directeur de thèse. Elle la soutient en 2006 à l’Université Joseph Fourier à Grenoble. Elle étudie la réplication et la transcription des virus à ARN négatifs (comme le virus de la rage, le VSV, mais aussi le virus Nipah et celui de la rougeole). Ses articles, publiés au cours de sa thèse, se font remarquer et lui ouvrent les portes de l’I2BC, d’abord comme post-doctorante dans l’équipe d’Yves Gaudin, puis en tant que chargée de recherche lorsqu’elle est recrutée par le CNRS en 2013.

Aurélie Albertini vient de recevoir la Médaille de Bronze 2020 du CNRS. Une distinction qu’elle savoure autant pour elle-même que pour son équipe et sa famille.