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Anne Lafosse : Comprendre les processus induits par les électrons

Portrait de chercheur ou chercheuse Article publié le 09 décembre 2022 , mis à jour le 12 janvier 2023

Anne Lafosse est enseignante-chercheuse à l’Institut des sciences moléculaires d’Orsay (ISMO – Université Paris-Saclay, CNRS). Elle est spécialisée dans l’observation des électrons, via des développements expérimentaux et d’instruments, au service de multiples applications.

Anne Lafosse obtient un diplôme d’ingénieur en 1997 de l’École supérieure de physique et de chimie industrielles de la ville de Paris (ESPCI). Passionnée par la physicochimie moléculaire, elle effectue en parallèle un DEA dans ce domaine à l’Université Paris-Sud (aujourd’hui Université Paris-Saclay). « J’ai eu un coup de cœur pour la spectroscopie, parce qu’elle donne la possibilité de mesurer et de décrire, avec des instruments relativement simples, ces objets microscopiques et très complexes que sont les molécules. » En 2000, elle soutient sa thèse, consacrée aux Corrélations vectorielles dans la photo-ionisation dissociative des molécules diatomiques induites par lumière polarisée. Il s’agit de décrire, grâce à un synchrotron, l’éjection d’un électron dans le référentiel moléculaire en le soumettant à une interaction avec un photon énergétique de type UV. Ce qui détermine les propriétés, structures et fonctions chimiques de la molécule. « J’ai développé, à partir de ce moment-là, une fascination pour la grosse instrumentation. »

 

L’instrumentation de la science des surfaces

Anne Lafosse effectue ensuite un post doc à l'Institut Fritz-Haber de la Société Max-Planck à Berlin. Ce centre de recherche est une référence dans l’étude des étapes élémentaires de la catalyse chimique hétérogène - à savoir l’accélération ou la réorientation d’une réaction chimique pour la diriger dans un sens souhaité. « Grâce à la catalyse chimique, il est notamment possible de former l’ammoniaque utilisé dans les engrais (NH3), et mes travaux consistaient à décomposer cette molécule sur une surface catalytique pour remonter l’histoire, c’est-à-dire identifier les espèces intermédiaires potentiellement impliquées. » Cette expérience représente pour Anne Lafosse une occasion d’opérer une conversion thématique, car elle passe de l’étude des molécules en phase gazeuse à celles que l’on dépose et greffe sur des surfaces. Elle change alors aussi d’instrumentation, pour se spécialiser sur celle dédiée à la science des surfaces.

 

Les surfaces d’intérêt électronique

En septembre 2001, Anne Lafosse réussit le concours de maîtresse de conférences et rejoint le Laboratoire des collisions atomiques et moléculaires (LCAM), aujourd’hui fusionné avec le Laboratoire de photophysique moléculaire (LPPM) pour former l’ISMO. Ce dernier, qui vient de s’équiper d’un spectromètre utilisant la technique High resolution electron energy loss spectroscopy (HREELS), a besoin de son expertise pour l’opérer. « C’est une approche de spectroscopie vibrationnelle, complémentaire à celle de l’infrarouge, qui utilise des électrons pour sonder les systèmes. » Elle poursuit ainsi ses travaux de greffage de groupements moléculaires, via le contrôle de leur composition chimique, pour les appliquer à un nouveau contexte, celui des surfaces d’intérêt électronique. « J’ai beaucoup travaillé sur le diamant synthétique utilisé dans les détecteurs, pour lui donner des propriétés électroniques spécifiques. » Pour ces travaux, l’enseignante-chercheuse collabore avec Le Technion, un institut de technologie et de recherche en Israël.

 

L’étude des dommages radiatifs

Dès le début de sa carrière, Anne Lafosse s’implique dans des réseaux européens afin de déployer des programmes de recherche collaboratifs. De 2002 à 2005, elle rejoint le réseau Electron and Positron Induced Chemistry (EPIC), dédié à l'étude fondamentale des interactions des électrons et des positrons avec les molécules. Une irradiation X crée des dommages biologiques car les rayonnements génèrent des phénomènes d’ionisation, qui, en libérant des électrons toxiques, entrainent des dégâts chimiques. « Mes travaux consistent à quantifier ces dégâts avec des données objectives, pour alimenter des systèmes de modélisation, qui, in fine, visent à les contrôler. » De 2005 à 2008, l’enseignante-chercheuse poursuit ces recherches et les applique au domaine de la radiobiologie au sein du réseau Electron Induced Processes At the Molecular Level (EIPAM).

 

La nanolithographie au service de l’astrochimie

En 2007, Anne Lafosse change de domaine d’application pour s’intéresser à la nanolithographie. Elle rejoint l’Electron Controlled Chemical Lithography (ECCL), où elle travaille à concevoir des schémas chimiques sur des surfaces à l’échelle nanométrique, grâce à des dispositifs moléculaires. « Là aussi, les rayonnements émettent des électrons qui ont des impacts chimiques. »  En 2013, elle rejoint le programme national Chemistry for Electron-Induced Nanofabrication (CELINA), et en 2016, le programme international Low energy electron driven chemistry for the advantage of emerging nano-fabrication methods (ELENA), où elle applique la nanolithographie au domaine de l’astrochimie.

Aujourd’hui, Anne Lafosse poursuit ces travaux, dont le sujet est particulièrement d’actualité depuis le lancement du télescope infrarouge James Webb, qui étudie la naissance des molécules organiques dans le milieu interstellaire. L’enseignante-chercheuse participe à identifier la contribution des électrons à la création des molécules situées dans les glaces, ainsi que leur désorption, c’est-à-dire leur largage dans le vide interstellaire.

 

La direction de formations

Depuis 2011, Anne Lafosse est responsable de la formation Magistère physicochimie moléculaire, et de 2015 à 2020, du M2 Chimie physique : instruments, concepts et applications. En 2020, elle prend la co-responsabilité du M2 Chimie inorganique, physique et du solide. Ces expériences lui donnent l’opportunité d’observer l’évolution des besoins des étudiantes et étudiants et de leur proposer régulièrement de nouvelles offres. « Par exemple, nous avons fait évoluer le catalogue des enseignements pour proposer des programmes plus modulaires. » L’enseignante-chercheuse adapte aussi les travaux dirigés et propose désormais aux étudiantes et étudiants de travailler sur des publications scientifiques tangibles. Enfin, elle favorise la réalisation de projets concrets et de stages.

 

La Graduate School Métiers de la recherche et de l'enseignement supérieur de l’Université Paris-Saclay

Depuis 2022, Anne Lafosse est directrice-adjointe Formation de la Graduate School Métiers de la recherche et de l'enseignement supérieur de l’Université Paris-Saclay. Cette entité interdisciplinaire a pour objectif de promouvoir, au niveau de la recherche et de l’enseignement, la formation à la recherche par la recherche. Pour y parvenir, l’enseignante-chercheuse met en place des dispositifs au sein et en support des structures d’enseignement, pour toutes les disciplines, que ce soit la chimie, la biologie, la physique, les sciences de l’ingénieur, la sociologie ou encore le droit. Par exemple, le Congrès junior pluridisciplinaire, dont la première édition a eu lieu début juin 2022, a pour vocation de faire découvrir les activités de recherche effectuées par les étudiantes et les étudiants au sein des établissements-composantes, composantes et universités membres-associés de l'Université Paris-Saclay. « Le défi pour cette journée est de parvenir à représenter toutes les disciplines et toutes les formations. » La deuxième édition est en préparation.

Enfin, pour que les étudiantes et les étudiants valorisent ce type de réalisation, Anne Lafosse participe, dans le cadre de l’European University Alliance for Global Health (EUGLOH), à développer un outil de certification des compétences sur la base de micro-crédits.

 

Anne Lafosse